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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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Application du Règlement Bruxelles II bis et ressortissants d'Etats tiers à l'Union européenne


Civ. 1, 24 juin 2020, n°19-11.714 ; n°19-11.870



Qu'il est regrettable que la Cour de cassation ait encore besoin de rendre une telle décision en 2020 !


M. C... , de nationalité moldave et roumaine et Mme J... , de nationalité bulgare et russe, se sont mariés en Moldavie. Mme J...  a, par requête du 13 octobre 2017, saisi le juge français d’une demande en divorce. Par ordonnance du 18 janvier 2018, rendue par défaut, celui-ci, a retenu la compétence du juge français et l’application de la loi française.


Or, le 28 juin 2017, M. C... a saisi aux mêmes fins, le juge moldave, lequel, par une décision du 15 décembre 2017, frappée de recours par Mme J... , avait prononcé le divorce des époux et fixé la résidence des enfants mineurs chez le père.


M. C...  a décliné, devant la cour d’appel, la compétence du juge français au profit de la juridiction moldave.


La Cour d'appel déclare la juridiction française incompétente au motif que le règlement européen n° 2201/2003 dit Bruxelles II bis n’a vocation à réglementer que les rapports entre ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne, ce qui n’est pas le cas de la Moldavie qui n’a pas adhéré à l’Union européenne et n’est pas soumise à la réglementation qui la régit.


Cette décision des juges du fond est aberrante ! Il est clair que le juge Moldave n'est pas tenu au Règlement européen puisque la Moldavie n'est pas membre de l'Union européenne. Mais peu importe, le juge français quant à lui doit l'appliquer dès lors qu'un des chefs de compétence est en France.


Les règlements européens en matière de compétence s'appliquent, quelle que soit la nationalité des parties, qu'elles soient ressortissantes d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat tiers.


La Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel au visa de l'article 3 du règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis.


Elle affirme fort justement qu'il "résulte de ce texte qu’une juridiction d’un Etat membre est compétente pour connaître d’une demande en divorce, dès lors que l’un des critères alternatifs de compétence qu’il énonce est localisé sur le territoire de cet Etat, peu important que les époux soient ressortissants d’Etats tiers ou que l’époux défendeur soit domicilié dans un Etat tiers. Cette règle de compétence est exclusive de toute règle de compétence de droit international privé commun".


L'article 3 du règlement n° 2201/2003 dit Bruxelles II bis prévoit en matière de divorce la compétence de la juridiction de l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve: - la résidence habituelle des époux, ou

- la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, ou

- la résidence habituelle du défendeur, ou

- en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux, ou

- la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou

- la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant de l’État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, s’il y a son "domicile";


Il s'agit donc d'option de compétence offerte au demandeur. Il suffit qu'un des chefs de compétence se trouve en France, notamment le domicile du demandeur, pour que la Règlement s'impose au juge français.


Le juge français est donc compétent. Reste à savoir si le juge français devra se dessaisir. En effet, une décision Moldave de divorce a été prononcée. La décision de divorce Moldave, une fois définitive, aura autorité de la chose jugée en France si elle est régulière. Dans ce cas, le juge français compétent devra se dessaisir, même s'il était le premier juge saisi (pour une illustration : Civ. 1, 1 juin 2017, n°16-11437).

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